Tiny house : petit contenant, grandes ambitions

Dessin de Gerd Arntz pour isotype modifié pour l'illustration par NCI Studio.
Les articles portant sur les tiny houses se multiplient en cette fin d’année (Usbek & Rica, Le Monde...). Cabane sur roues, mobile et légère, la petite maison reflète une aspiration profonde : se déplacer au gré des expériences, réduire ses dépenses énergétiques, et se créer une résidence secondaire sans pour autant investir dans un crédit. En mettant en relation la tiny house avec les travaux de Jean Prouvé ou Le Corbusier sur l’habitat léger, on comprend que son retour en grâce dans un contexte de crise immobilière et de résidentialisation fragmentée a un sens profond mais constitue, autant qu’un fantasme d’évasion, un choix contraint. Le créateur des Cahutes, Thomas Longhi, déclare dans Le Monde: “C’est un petit objet qui demande un investissement financier raisonnable. Cela fait moins peur.” Le but initial, désencombrer massivement pour vivre plus léger, semble disparu des préoccupations, pour devenir une petite résidence secondaire, déplaçable et peu imprégnée de la personnalité de ses propriétaires. Les constructeurs eux-mêmes positionnent en conséquence leur offre : d’un habitat mobile et autonome, on passe à un habitat communautaire, organisé en Hameaux légers ou implantée sur des terrains appartenant à des proches. Sa structure légère, sobre et d’emprise limitée au sol constitue dès lors une alternative viable aux studios, cabanes et autres avatars de la pièce en plus venant compléter un habitat principal. Ce choix est peu étonnant si on songe à la contrainte forte que représente la tiny house, qui réclame de limiter le poids et le nombre des objets, qui doivent tous être placés dans des cartons et remorqués à chaque déplacement de la maison. Pourtant, lorsque Cécile Désaunay, présidente de Futuribles et autrice de La Société de déconsommation (Alternatives, 2021) pointe la saturation en équipement de nos intérieurs et le plafonnement des dépenses de consommation, ne peut-on pas imaginer un avenir brillant pour l’habitat en tiny house, économe en énergie, en espace et flambante de matériaux made in France ? La petite maison est censée permettre de faire le vide et de concentrer sur l’essentiel.
Emmanuel Coccia, auteur de Philosophie de la maison, déclarait dans une récente conférence à la Maison de la Poésie : “Ce sont les objets qui nous protègent de la violence inouïe de ce qu’est une maison, qui est inhabitable.” Concilier la tension entre l’objet et le mètre carré est un enjeu fort de l’habitat de demain, qui ne sera peut-être plus un unique îlot pavillonnaire mais un archipel de petits pieds à terre. Parallèlement, la montée en puissance de Shurgard et des espaces de stockage en France démontre que même les maisons traditionnelles peinent à contenir l’afflux d’objets et de meubles qui sont devenus l’ordinaire de nos intérieurs. Même les strates d’objets des décorations saturées sont placées sous le signe du temporaire, alors, que nous dit la tiny house de la façon dont on peut s’en dégager ? Ce Noël, en tout cas, ne semble pas encore placé sous le signe de la déconsommation : cette année, chaque Français a reçu en moyenne 63 colis, et pendant les pics des fêtes, la Poste s’apprête à en délivrer 4 millions par jour… Ces tendances contrastées soulignent l’ambivalence de la tentation du nettoyage par le vide : à long terme, est-ce du minimalisme ou l’envie de vider pour mieux remplir à nouveau ?