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Les archives de l'industrie : célébrer son histoire, imaginer son futur

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badge Tiphaine Monange
Tiphaine Monange
DESIGNER - UX RESEARCHER
nci studio

Dessin de Gerd Arntz pour isotype modifié pour l'illustration par NCI Studio.

Nous avons l’habitude de voir les marques de luxe utiliser les outils numériques comme physiques pour mettre en valeur leur passé. Ce lien entre histoire, présent et innovation renforce la confiance entre la marque, ses partenaires et ses clients, qu’ils soient consommateurs ou entreprises. Le monde du luxe a pour lui la beauté des objets, le soin avec lequel ils ont pu être conservés et l’attrait d’un héritage encore vivant et inspirant.

NCI collabore ainsi avec le service patrimoine de Guerlain sur une série de Cahiers du patrimoine, carnets rassemblant des articles thématiques issus du fonds patrimonial, mis en récit par le service Patrimoine de Guerlain, et mis en scène avec les standards graphiques du magazine de mode. Publiés et adaptés au fil des saisons, ils reflètent la longue et riche histoire de la marque et de ses gammes de produits, et chroniquent le développement de ses savoir-faire.

Mais le patrimoine industriel n’est pas en reste, de plus en plus valorisé, à travers inventaires, organisation des archives et expositions muséales. L’engouement récent des visiteurs pour les friches et sites industriels indique un goût vif pour l’histoire des techniques qui ont accompagné les transformations sociales massives du siècle dernier. Le numérique est alors un complément indispensable à l’accessibilité de ces archives aussi bien qu’à leur mise en scène. L’enjeu est en effet de faire du récit du passé un trait d’union entre l’entreprise et ses utilisateurs. Quelle que soit sa taille et la longueur de son histoire, une marque gagne à faire infuser les valeurs et leçons de son passé dans tous ses services, tant pour communiquer ses valeurs que pour inspirer des innovations futures. En remontant aux sources, la marque démontre également sa capacité d’adaptation aux évolutions du marché et de la technologie.

Dans ce contexte, quel rôle peut jouer le digital et, par extension, le design, pour faire de ce passé un récit porteur au présent ?

Le design accompagne le département chargé des archives dans la digitalisation de son inventaire. Il permet de concevoir une plateforme facile à explorer et à s’approprier, par le grand public ou les collaborateurs en interne. Rendre disponible le catalogue des archives ainsi que certaines pièces choisies, comme a su le faire Saint Gobain, permet aux chercheurs comme aux visiteurs de se faire ambassadeurs de la marque, en exploitant pour leur propre compte les archives proposées. La marque est dès lors intégrée à une réflexion sociale, historique et technique qui souligne la portée de son action et participe de son rayonnement comme de son RSE.

Mais le rôle du design n’est pas purement organisationnel. Comme toujours, une forme soignée reflète des ambitions sérieuses : mettre en valeur à travers des supports digitaux et imprimés le récit patrimonial de la marque, c’est accorder une valeur à son savoir-faire. Il est possible, sans violer les règles du secret industriel, de représenter certains produits ou processus intermédiaires, sous forme schématique ou photographique, pour exploiter la curiosité de plus en plus intense autour de la fabrication. Comment les choses sont fabriquées, leur fonctionnement et leur durabilité constituent désormais des sujets centraux que le patrimoine enrichit et auquel il donne de la crédibilité en illustrant le cheminement suivi par la technique au gré des évolutions de la société et des besoins.

Donner une forme ludique à ses archives, à travers une chronologie interactive par exemple comme ici chez Citroën, permet de donner à une histoire technique une dimension incarnée, convoquant ici tant l’innovation qui se lit à chaque nouveau modèle que les souvenirs personnels du visiteur. Cette façon vivante et lisible de convoquer les archives peut s’étendre au delà des biens de consommation, car il n’est pas aussi facile pour des éléments techniques invisibles tels des textiles tendus ou des baffles acoustiques de susciter le même effet Madeleine de Proust. C’est alors en représentant l’impact sur le confort intérieur, par exemple, de ces innovations, que l’on peut rendre tangible les accomplissements de la marque et la faire rayonner dans son secteur. Si l’on peut rendre sensible à travers l’écran les attraits du parfum, pourquoi pas ceux de l’absence de bruit ou l’ombre ?