Ce site nécessite le JavaScript, merci de l'activer.
article

La ventilation, nerf de la lutte contre le COVID

publié par
badge Tiphaine Monange
Tiphaine Monange
DESIGNER - UX RESEARCHER
nci studio

Dessin de Gerd Arntz pour isotype modifié pour l'illustration par NCI Studio.

Le V des systèmes HVAC (Heating, Ventilation and Air Conditioning) a longtemps été négligé, y compris dans les normes régulant la construction de bâtiments ; mais il connaît son heure de gloire en cette rentrée inédite. Un article de Zeynep Tufekci rappelait cet été dans The Atlantic la dimension de mise en scène hygiéniste (“hygiene theater”) déployée dans le nettoyage des surfaces et le frottement du gel sur les mains. Ces mesures à dimension rituelle rassurent sans protéger : la diffusion du virus via l’air en intérieur est bien plus à craindre que la transmission par les surfaces, mais le grand public n’en soupçonne pas l’importance. Dans ce contexte favorable, les maladies respiratoires prospèrent. L’impression générale de baigner dans un air intérieur propre et pur (régulièrement démentie par les mesures captées dans les bâtiments) s’appuie en partie sur le fait que notre confort intérieur est entièrement délégué à des équipements cachés dont la technicité nous échappe. Les hôpitaux dans lesquels les systèmes de ventilation sont les plus négligés accélèrent la diffusion du virus (c’est le cas au Royaume-Uni). Les critères déclencheurs de la diffusion du virus sont désormais bien identifiés : les lieux où on parle et où on crie, où la ventilation est insuffisante, sont les premiers concernés (selon le principe des 3 C : close conversations, crowded places, closed spaces).

Un constat qui interpelle au moment où la rentrée des classes française a lieu dans des bâtiments pour certains vétustes et dépourvus de ventilation adéquate, quand les fenêtres ne sont pas définitivement cassées en position fermée. La gestion de l’air intérieur est souvent laissée à la discrétion des occupants, hormis dans le cadre de bâtiments collectifs dans lesquels un facility manager se préoccupe autant de l’aspect écologique de la gestion que des coûts qui y sont rattachés. Il ne suffit pas toujours d’ouvrir les fenêtres pour aérer : les fenêtres fermées des bâtiments contemporains permettent de ne pas interférer avec cette gestion globale, appuyée sur des capteurs. Le renouvellement de l’air y est contrôlé précisément, mais sans tenir compte ni de l’aspect psychologique de maîtrise de l’espace, ni des besoins renouvelés des espaces confinés. Certains bâtiments anciens sont paradoxalement mieux lotis en matière de renouvellement de l’air, du fait de leurs hauts plafonds et grandes fenêtres conçues pour des temps pré-climatisation. Dans ce contexte, le rôle du design est double : aider les utilisateurs à mieux comprendre et respecter les mécanismes de renouvellement de l’air, favoriser l’installation d’équipements adaptés, pour éviter à tout prix les mesures purement cosmétiques. En cette rentrée, s’appuyer sur les experts de l’air intérieur pour prendre conscience de l’impact des polluants intérieurs et des différents paramètres de gestion de l’air pourrait bien s’avérer un enseignement capital de la crise.